Renault Filante Record – Un hommage aux Renault des records

Renault pioche une fois de plus dans son patrimoine pour nous proposer un concept-car pour le moins original. Pesant moins de 1 000 kg, la monoplace électrique Renault Filante Record dispose d’un châssis qui fait largement appel au carbone, mais aussi au Scalmalloy, un alliage léger à haute résistance composé d’aluminium, de magnésium et de scandium produit par impression 3D.

Les dimensions de la Renault Filante Record sont atypiques avec 5,12 mètres de long et 1,19 mètre de haut. Côté motorisation, c’est bien moins glamour, puisque cette étonnante voiture fait appel à une batterie de 87 kWh que l’on retrouve sur un banal Scenic E-Tech Electric. Visuellement, Renault Filante Record ne peut nier sa filiation avec la 40 CV des Records de 1925.

Cependant, la marque au losange a également puisé son inspiration dans deux autres modèles emblématiques de son histoire : le toit du concept s’inspire en effet de celui de la Nervasport des Records de 1934 et le nom de Filante est emprunté à la monoplace à turbine l’Etoile Filante de 1956. Avec ce concept, Renault vise clairement de nouveaux records d’autonomie plus en phase avec son siècle. L’occasion pour nous de nous replonger dans l’histoire de ces inspiratrices, faiseuses de records. La 40 CV des Records de 1925 était une dérivée à carrosserie effilée et à largeur réduite de la Renault NM 40 CV de série propulsée par un moteur 6 cylindres en ligne de 9118cc. Ce dernier était le plus puissant de la gamme à l’époque. Avec ses 3 carburateurs double corps, le bloc délivrait 150 chevaux et permettait à la voiture d’atteindre une vitesse de pointe de plus de 200 km/h. C’est François Repusseau en compagnie de son épouse qui apportait ses premières lettres de noblesse à la 40 CV en s’imposant au rallye Monte-Carlo en 1925, mais dans une version encore très proche de la série.

C’est à partir de mars de la même année que la version spécifique 40 CV des Records prenait le relais et enchainait records sur records. En mars, la voiture permettait d’établir celui des 500 km, puis celui des 3 heures (536,659 km). En mai, les ingénieurs/pilotes J.-A. Garfield et R. Plessier abaissaient ceux des 3 heures, des 500 km et des 500 miles.

Mais rapidement, Renault partait en chasse de tous les records compris entre 500 et 4000 km (dont les 1000 et 2000 miles, 2000 et 3000 km) avec succès. La 40 CV des Records allait se distinguer une nouvelle fois en 1926 aux 24 h. de Montlhéry en établissant un record du monde de distance avec 4167,578 km à 173,649 km/h de moyenne.

En 1934, Louis Renault décide d’étoffer le palmarès du constructeur. La marque s’aligne cette fois avec la Nervasport des Records motorisée par un moteur 8 cylindres en ligne de 4825cc. issu des Nervasport et Nervastella. Bien que ce bloc ne délivre que 108 ch. il permet à la Nervasport des Records de s’adjuger pas moins de neuf records internationaux et trois records du monde, dont celui des 48 heures avec 8 037 km effectués à la moyenne de 167,445 km/h.

La puissance modeste est compensée par une ligne très aérodynamique issue de l’aéronautique. Le cockpit de la Nervasport s’inspire en effet des avions Caudron, propriété de la marque Renault depuis 1933.

La similitude avec la verrière du Caudron-Renault Simoun C630 est d’ailleurs frappante. Il faudra attendre plus de 20 ans pour voir Renault proposer une voiture dédiée aux records. Entretemps, la guerre a eu un impact fort sur le devenir de la marque de Boulogne-Billancourt. Après le décès mystérieux de Louis Renault, le constructeur passait sous le contrôle de l’État et se voyait dans un premier temps contraint de produire des petites cylindrées dans le cadre du plan Pons. A cette période, la pénurie de matières premières et la reconstruction laissaient peu de place au sport automobile ou à la chasse aux records. Mais au milieu des années 50, la France reprenait des couleurs et incitait la Régie à présenter en 1956 l’Etoile Filante. Cette voiture produite à 2 exemplaires se démarque radicalement des produits de la gamme. Contrairement aux 40 CV et Nervasport des Records, l’Etoile Filante ne fait appel à aucun élément de série. On doit sa ligne très futuriste au concepteur-designer et motoriste Fernand Picard. La voiture est propulsée par une turbine à gaz Turbomeca Turmo I qui délivre 270 chevaux à 28000 tr/min. Développée par l’ingénieur motoriste Albert Lory, cette turbine était initialement prévue pour un avion expérimental.

Après des essais concluants à Montlhéry (si l’on excepte quelques soucis mineurs de suspension), l’Etoile Filante prenait la direction des États-Unis. L’objectif de Renault était d’inscrire son nom au palmarès du Grand Lac Salé de Bonneville dans l’Utah, véritable temple mondial de la vitesse. Derrière cette démarche ambitieuse, rappelons que la marque tente depuis le début des années 50 une percée sur le marché américain avec la 4CV, pour concurrencer la VW Coccinelle qui domine le créneau des petites cylindrées.

En septembre 1956, c’est à Jean Hébert que revient l’honneur de piloter l’Etoile Filante sur le Grand Lac Salé. Après des tentatives infructueuses, les ingénieurs apportent quelques modifications qui vont finalement permettre de battre 4 records mondiaux de vitesse dans la catégorie des voitures à turbine de moins de 1000 kg. : celui du kilomètre lancé (à 306,905 km/h), des 5 kilomètres (308,853 km/h), du mile (307,681 km/h) et celui des 5 miles (300,400 km/h). Les deux premières marques restent en 2025 toujours au crédit de l’Étoile Filante.

ARTICLE : Jean-François DUBY
PHOTOS : Renault Media