Routes des Vosges 2020 : Jean Claude Killy revient au volant d’une Porsche 904
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A l’occasion des prochaines ROUTES DES VOSGES (23-25 octobre), Jean Claude Killy revient au volant d’une Porsche 904 sur les routes de son baptême en sport automobile.
C’était en 1965, un copain de Jean Claude Killy, Claude MARBAQUE l’appelle pour lui dire que, malade, il ne pourra pas faire le coéquipier de Christian POIROT en Porsche 904 et il lui propose de le remplacer. Toute l’histoire, la voici, recueillie en 2015 par Pierre-Henry WEXLER du quotidien ‘’l’Est Républicain’’.
C’est l’histoire d’un aller-retour en Lorraine pour y disputer une course. Il y a cinquante ans tout pile. Dans la vie extrêmement bien remplie de Jean-Claude Killy, cela aurait pu être une péripétie enfouie sous une tonne de souvenirs bien plus marquants. Mon œil ! Le triple-champion olympique de Grenoble, qu’il n’était pas encore à l’époque, se rappelle de l’escapade comme si c’était hier. Au bout du fil, il raconte avec moult détails ce qui reste sa première expérience dans le sport auto. En route pour la folle nuit d’un jeune skieur savoyard de 22 ans assis aux côtés du regretté pilote spinalien Christian POIROT
Jean-Claude Killy, comment vous êtes-vous retrouvé au départ du rallye de Lorraine ?
C’est un copain, Claude MARBAQUE, qui m’a appelé pour me dire qu’il ne pouvait pas faire le rallye de Lorraine car il était malade comme un chien. Il m’a dit : ‘’si tu as toujours envie de faire de la course automobile, viens tout de suite à Nancy. Tu prendras ma place dans la Porsche 904 de Christian POIROT’’. Je lui ai répondu que je n’y connaissais rien. Mais il m’a dit ‘’allez, allez, vas-y’’. J’ai foncé en Lorraine et je suis arrivé chez Christian POIROT la veille de la course.
Claude Marbaque vous avait-il donné quelques conseils ?
Il m’avait glissé un repère très utile. A savoir qu’une voiture qui roule à 60 km/h parcourt un kilomètre par minute. C’est con comme conseil, mais ce fut sacrément précieux, surtout quand on n’y connaît rien et qu’on n’est pas bon en calcul. Pour les liaisons, cela m’avait bien servi à calculer les moyennes.
« Ne t’endors pas et ça ira »
Et Christian Poirot, comment vous avait-il accueilli ?
Il m’avait demandé si j’avais de l’expérience. Je lui avais répondu ‘’Pas du tout !’’. Mais je ne pouvais pas rater une occasion comme celle-là. J’avais une passion extrême du sport auto. La 904 était une auto d’une grande beauté. J’ai demandé à Christian Poirot ce qu’il attendait de moi. Il m’a simplement demandé de lire le roadbook et de ne pas regarder dehors. Il a ajouté : ‘‘Essayes de ne pas te gourer, ne t’endors pas et ça ira !’’.
C’est ce qui s’est passé ?
Oui, jusqu’à une heure du matin. Ensuite, on s’est retrouvé dans un bled et je ne suis pas parvenu à l’en sortir. Je n’avais pas de notes. Il a commencé à m’engueuler. Ma première branlée du rallye. J’ai réussi à me débrouiller. Après je me souviens qu’on a monté le Ballon d’Alsace. Il allait très vite. J’ai encore des images précises en tête.
Il y a eu une deuxième « branlée » ?
Oui, à l’arrivée de la spéciale au sommet du Ballon d’Alsace. Je lui ai annoncé une ligne droite de 50 mètres puis la ligne d’arrivée. Je n’avais pas d’autres notes sur le roadbook. Rien qui indiquait un virage serré juste après la ligne. On s’est envolé. On a atterri dans un champ plein de neige, heureusement à l’endroit sur les quatre roues. Il a crié ‘Quel abruti ce skieur !’’. Il était deux heures du matin. Des spectateurs nous ont aidé à remettre l’auto sur la route. Mais on avait perdu un cylindre. Il a tout de même tenu à continuer afin que je termine mon premier rallye.
Quelle aventure !
A l’arrivée, je l’ai remercié, non pas pour les engueulades, mais pour m’avoir fait vivre une telle expérience. Christian Poirot était un super pilote. Je le revois encore. C’était un grand costaud. J’ai été très attristé d’apprendre sa mort (NDLR : le pilote spinalien s’est noyé en vacances à Djakarta).
« On ne met pas des tigres en cage »
D’où vous est venue cette passion de l’automobile ?
A côté de chez moi vivait un ancien grand champion de ski, Henri Oreiller (NDLR : champion olympique de descente en 1948), qui s’est lancé dans la course auto après sa carrière. Un jour, il est arrivé à Val d’Isère avec une Ferrari 250 GTO. On était môme. Un coup de foudre. On n’a pas dormi pendant huit jours. Et puis, comme tous les skieurs, j’étais attiré par tous les sports dangereux et à risques. En équipe de France de ski, on était tous fondus d’auto. Il fallait que jeunesse se passe.
Vous avez d’ailleurs mené conjointement votre carrière de skieur et une autre en sport auto...
Deux carrières très violentes. Je courais l’été. J’avais l’autorisation de l’entraîneur de l’équipe de France Honoré Bonnet. Il savait qu’on ne met pas les tigres en cage. Il nous disait : ‘’Ne prenez pas de risques’’. Tu parles !
Pourquoi avez-vous arrêté dès 1969 ?
Je n’avais pas les moyens de continuer. Il fallait que je gagne ma vie. J’ai arrêté ma carrière de skieur à 24 ans. Je ne pouvais pas repartir pour une deuxième passion incontrôlable. A l’été 68, plutôt que de partir sur les circuits, je suis parti travailler aux Etats-Unis avec Mc Cormack. Ce que j’ai fait pendant quarante ans. Là-bas, je suis resté dans le sport auto. J’ai pu côtoyer quelques grands pilotes comme Caroll Shelby, Dan Gurney ou Ritchie Gunther. J’étais en contrat avec Chevrolet pour qui j’ai dû faire cinquante spots publicitaires. Notamment pour la sortie de la Camaro. L’autre ambassadeur de la marque était un certain O.J. Simpson (NDLR : ancien footballeur américain accusé du meurtre de son ex épouse et de son compagnon). On faisait les shows ensemble.
« Je ne manque pas un Grand Prix »
Cette passion s’est-elle aussi manifestée dans vos voitures de tous les jours ?
Au début oui. Tout mon argent passait là-dedans. Ma première voiture, je l’ai eu à 18 ans et 2 jours. C’était une Porsche 356 d’occasion. C’était une vraie poubelle. Je m’étais fait avoir. Au bout de trois semaines, je me suis envolé pitoyablement dans un alpage. J’ai eu aussi une Corvette tigrée, pas mal de Porsche, des Alfa Roméo. Aujourd’hui, ça s’est calmé.
Continuez-vous toujours à vous intéresser au sport auto ?
Je ne manque pas un Grand Prix de Formule 1. J’ai donné le départ des 24 Heures du Mans en 2010. J’essaye de me tenir au courant de tous les sports. C’est un peu ma vie. Il y a beaucoup de pilotes dans mon cercle de copains. Beaucoup sont morts. A l’occasion de son 20.000e numéro, le journal l’Equipe m’avait demandé d’être le rédacteur en chef. J’avais fait l’éditorial sur le Grand Prix de Monaco 1972 remporté par mon pote Jean-Pierre Beltoise. Pourtant, j’avais le choix... Le sport auto, c’est quelque chose de très fort. Qui a commencé Place Stanislas. J’en ai encore les yeux qui brillent.
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LES VIEUX COMPTEURS / Epinal, le 1er Avril 2020 ;-)
Documents joints
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