Goodwood Revival 2023 : l’incroyable machine à remonter le temps
Le Revival Meeting 2023 nous a charmés et nous ne sommes pas les seuls, puisque même le grand Jacky Ickx affichait une mine enjouée. Il nous a confié avec des étoiles plein les yeux : "C’est incroyablement unique, je suis transcendé !" Nous sommes convaincus qu’il retrouvait le parfum de sa jeunesse, qui nous semble éternelle. Au moment de la remise des prix, le Duc de Richmond a invité le champion belge sur le podium. Orateur né, Jacky a fait un bref discours empreint d’émotion. "Je vous remercie d’être tous ici pour vivre ensemble ce week-end magique, spectateurs, pilotes, mécaniciens, mais surtout le Duc Charles, qui est le génial créateur de ce moment exceptionnel. Je suis réconcilié avec le sport automobile, car ici, c’est le seul événement à visage humain !"
Jacky a donné quatre séances de dédicaces dans le paddock, au cœur du stand de l’ACO, où trônait le trophée Rudge-Whitworth de la Coupe Triénale des 24 Heures du Mans 1925. Le gentleman brabançon a réservé un accueil chaleureux aux dizaines de passionnés qui se pressaient devant lui. Pour chacun, il adressait un mot gentil et montrait beaucoup d’intérêt, voire de l’étonnement, face aux reliques et autres images qui défilaient entre ses mains. Son charisme naturel génère toujours autant l’engouement des fans, débordant de sensibilité et d’affection.
Sur la piste, le spectacle du Revival est toujours aussi électrisant, le chant des nobles mécaniques résonnant dans le merveilleux décor, tracé dans les douces collines des South Downs, au cœur du Sussex.
C’est un énorme bond dans le temps, qui devrait à tous les coups satisfaire les passéistes larmoyants, vous voyez de qui nous parlons ! Les zones publiques admirablement aménagées sont bondées de spectateurs respectueux du site. A la fin du séjour, le circuit de Goodwood ne ressemble pas à un dépotoir, comme c’est trop souvent le cas sur d’autres pistes…
Seize courses étaient au programme tout au long des trois jours, nous nous focaliserons sur six d’entre elles. La première porte le nom Rudge-Whitworth Cup, elle est réservée aux vénérables automobiles qui ont fait le succès des 10 premières années des 24 Heures du Mans. La Loraine Dietrich #4 a particulièrement attiré notre attention, car c’est l’authentique modèle qui a remporté la victoire en 1926. Elle était pilotée par Stéphane Darracq et le Britannique Dereck Bell, lauréat à quatre reprises de la célèbre épreuve. Nous avons aussi eu la chance d’admirer une Chenard & Walcker Sport T3 #30, engagée par son propriétaire, le français Hubert Andéol associé à son beau-fils Raphaël Gnininvi. Ce dernier a connu quelques soucis au départ, ayant oublié de mettre le contact, le démarreur tournait désespérément dans le vide… La machine, poussée par les commissaires, regagnait son stand où le problème fut réglé. La foule dotée d’un enthousiasme débordant acclamait le pilote à chacun de ses passages !
Lors de la Lavant Cup, on note la magnifique prestation du Belge Vincent Gaye, toujours aussi spectaculaire sur sa vénérable Ferrari 250 SWB #7. Longtemps aux avant-postes, ayant même occupé la 2ème place au deuxième tour, il devait finalement terminer au 4ème rang. Cette manche très animée était remportée par Rob Hall sur Ferrari 250 LM #526, devant Emanuele Pirro, au volant de la Ferrari 250 GT SWB #73. Frayeur pour Karun Chandhok dans le virage de Lavant, après avoir effectué un tête-à-queue, la Ferrari 250 GTO (propriété de Carlos Monteverde), a connu un début d’incendie, qui s’est éteint immédiatement. Une détonation a fait gripper les roues et a précipité la voiture sur le bas-côté. Un carter troué est à l’origine d’une fuite d’huile qui s’est embrasée au contact de l’échappement. Dieu merci, la belle Ferrari n’a pas subi d’autres dommages. Il faut dire que le businessman brésilien installé à Londres l’a acquise en 2014, pour la coquette somme de 28 millions d’euros…
Le St Mary’s Trophy offre à chaque fois son lot d’émotions et de spectacle. Disputée sur deux manches, soit une avec les vedettes qui a lieu le samedi et l’autre avec les propriétaires qui se dispute le dimanche. La liste exhaustive des pilotes de renom serait bien trop longue à énumérer, nous nous bornerons à citer les plus vaillants. Romain Dumas aux commandes de la Ford Thunderbird #73 s’est envolé en tête dès le signal du départ, pour ne plus la quitter. Derrière, une bande de furieux emmenée par Jenson Button (Alfa Romeo Giulietta TI #34), l’Austin A40 #138 de la star de la NASCAR Jimmie Johnson et l’Austin A 105 Westminster #2 de Benoît Tréluyer, ont offert un spectacle exceptionnel, s’engageant dans les longues courbes de l’étroit circuit à trois de front !
A l’arrivée, on retrouvait derrière l’inattaquable Dumas le très rapide Rob Huff sur la Jaguar MK1 # 41, suivit du Britannique Jenson Button.
Course mouvementée le dimanche après midi dans le cadre du Royal Automobile Club TT Celebration. Une pluie diluvienne s’est abattue sur le circuit alors que nous avions connu jusque-là une météo clémente et très ensoleillée. Ces précipitations ont donné du fil à retordre aux pilotes, qui éprouvaient beaucoup de mal à faire passer la motricité de leurs puissantes machines. Au terme du premier tour, Marino Franchitti, au volant de l’AC Cobra # 1, s’installait en tête, devant la Jaguar E Type #88 de Nicolas Minassian et l’AC Cobra # 47 de Romain Dumas. Les écarts entre ce groupe de tête se resserrent lors de la procédure Safety Car, suite à la sortie de l’AC Cobra #72 de David Brabham à Lavant Corner. Les voitures repartent, avec Dumas devant Benoît Tréluyer sur la Chevrolet Corvette Stingray #4 et Tom Kristensen sur la Lister Jaguar Coupé #17. La pluie entraine la sortie de la Bizzarrini 5300 GT #3 d’Andrew Jordan à Madgwick Corner, le drapeau rouge est présenté aux pilotes. A la reprise, une bagarre s’engage entre Nicolas Minassian et Andy Priaulx sur la Jaguar E Type Semi-Lightweight #78. C’est finalement ce dernier qui remporte l’épreuve devant Minassian et Franchitti.
Le Barry Sheene Memorial Trophy, réservé au deux roues, offrait sa dose d’adrénaline avec en piste de véritables équilibristes, montés sur des machines à la tenue de route aléatoire. Parmi ces diables, on ne manquait pas le spectaculaire Steve Parrish, qui participait ici à sa dernière course, à l’âge respectable de 70 ans. Steve courrait dans le team Suzuki aux côtés de Barry Sheene lors de la saison 1977 du championnat du monde 500 cc. Après sept saison en Championnat du Monde de Vitesse, il se consacre ensuite aux épreuves de camions et remporte plusieurs titres de champion d’Europe. Il devient commentateur à la BBC. Parrish a choisi ce week-end pour mettre un terme à la compétition. Il était associé Freddie Sheene, le fils du fantastique Barry sur la Norton Manx #7.
Aussi mignonne que croquignolette, la Settrington Cup est ouverte aux enfants qui s’élancent fièrement au volant de leurs Austin A 340, ce sont de ravissantes autos à pédales qui prennent part à un sprint de 300 mètres, situé sur la piste face aux stands et aux tribunes d’honneur. Ils sont plus de 50 en piste, le public et surtout les parents débordent de joie et applaudissent à tout rompre.
Les jeunes championnes et champions portent des noms célèbres, citons les principaux : Roberta et Francis Fisken, petits-enfants du pilote et marchand londonien de voitures de prestige, Dylan Turner, fils du pilote Darren Turner, Luca Franchitti, fils de Dario, Penelope Mann, petite-fille d’Alan Mann, Sofia Franchitti, fille de Marino et petite-fille de Nick Mason.
Le Revival Meeting rendait hommage cette année à la firme Lotus qui fête ses 75 ans. Une impressionnante parade était organisée, avec toutes les créations du fantastique Colin Chapman. Son fils Clive était présent, il est à la tête du Lotus Heritage qui bichonne et répertorie le patrimoine de son glorieux papa. Clive est un homme très sensible, à chacune de ses visites à Francorchamps, il ne manque pas d’acheter un bouquet de fleurs chez Manu Piton à Stavelot. Il le dépose symboliquement à l’endroit où le pilote Lotus Alan Stacey a trouvé la mort, lors du Grand Prix de Belgique 1960.
Le Texan Carroll Shelby a aussi retenu l’attention de l’organisateur, c’est une pléiade de machines ayant marqué sa carrière de pilote et de constructeur qui ont pris la piste.
Inimitable Jackie Stewart
L’homme du jour reste Sir Jackie Stewart, qui a effectué trois tours au volant de la Tyrrell avec laquelle il fut sacré champion du monde pour la troisième fois, c’était il y a 50 ans. Nous l’avons rencontré. "J’adore Goodwood, je suis très flatté d’avoir été honoré par le Duc Charles, c’est un homme extraordinaire, la meilleure preuve de s’en rendre compte, c’est de voir ce meeting qu’il organise depuis 25 ans et qui nous fascine toujours autant. Le fait d’avoir pu faire quelques tours au volant de cette superbe Tyrrell m’a particulièrement touché. Ken Tyrrell a été mon mentor, j’ai énormément de respect pour lui. Il m’a permis de faire mes premières courses en F3, puis par la suite de devenir champion du monde à deux reprises sur des autos de sa marque conçues par Derek Gardner. Je pense aussi avec beaucoup d’émotion à François Cevert qui a perdu la vie en 1973. François était un pilote extraordinaire, hyper doué. S’il n’avait pas eu ce stupide accident, il aurait été à coup sur champion du monde de Formule 1. Ma démonstration était délicate, car la pluie s’est invitée, comme des larmes mêlées de joie et de tristesse, certainement pour me remémorer les bons et mauvais moments de ma carrière. J’ai roulé sur des œufs, mais j’ai quand-même fait de belles accélérations dans Lavant Staight."
Sacré Jackie, toujours aussi passionné ! Durant tout le week-end, cet Ecossais a guidé des invités dans le dédale des paddocks, un grand moment de partage offert par ce très grand Monsieur.
Cette épreuve pas comme les autres s’est achevée par la traditionnelle remise des prix, suivie par près de 200 personnes. Mais existe-t-il au monde une course où les organisateurs offrent le champagne à l’assistance ? Une chose est certaine, l’élégant Duc of Richmond le fait et cela depuis toujours !
Alors, convaincus ? Nous rejoindrez-vous l’année prochaine ? La date ? Les 6, 7 et 8 septembre 2024. Et les absents auront tort, une fois de plus !
Goodwood Revival 2023 / Palmarès
Freddie March Memorial Trophy : Wilson-Bradley (Maserati 250 S)
Goodwood Trophy : Ian Baxter (Alta 61 S)
Barry Sheen Memorial Trophy Part 1 : Plater-English (Matchless G50)
Barry Sheen Memorial Trophy Part 2 : Rutter-Russell (Noron Manx 30M)
St Mary Trophy Part 1 : Romain Dumas (Ford Thunderbird)
St Mary Trophy Part 2 : Fred Shepherd (Ford Thunderbird)
Lavant Cup : Rob Hall (Ferrari 250 LM)
Rudge-Withworth Cup : Collings-Graham (Bentley Speed Model)
Fordwater Trophy : Jordan-Holme (Porsche 911 2l.)
Whitsun Trophy : James Davidson (McLaren Chevrolet M1B)
Chichester Cup : Horatio Fitz-Simon (Lotus 22)
Richmond & Gordon Trophies : Will Nuthall (Cooper Climax T53)
RAC TT Celebration : Paul-Priaulx (Jaguar E-Type Semi-Lightweight)
Glover Trophy : Andrew Willis (BRM P261)
Sussex Trophy : Oliver Bryant (Lotus 15)
Settrington Cup Part 1 : Austin Buncombe (Austin J40)
Settrington Cup Part 2 : Josh Johnston (Austin J40)
Texte et photos : Christophe A. Gaascht (pour speedactiontv.be)
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